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RICHARD ALI – CARRIERE D’UN ECRIVAIN
Comme la plupart d’entre nous ici, j’ai eu l’occasion de lire toute la production littéraire publiée de Richard Ali. Passionnée de la ville, Ali en fait le lieu où se joue différentes scènes. Tragédie d’une part, comédie de l’autre.
Il en peint les bas-fonds avec réalisme, avec ses personnages très travaiillés, la plupart de basse condition, aux prises avec leurs démons : De Tabu à Ebamba, en passant par Etike, Mombaya, Mama Sisca, papa Kwedi, maman Anto,… Quant à l’époque, ses intrigues sont contemporaines. Ce qui fait en sorte que ces textes sont faciles à lire et par ricochet, aimés des lecteurs.
Porté sur la scène littéraire grâce à la nouvelle Le Cauchemardesque de Tabu, recompensée par le Prix littéraire Mark Twain de l’Ambassade américaine, je l’ai lu dans le recueil de cinq nouvelles publié en 2011 aux éditions Mabiki : Le Cauchemardesque de Tabu. Texte envoûtant, dont le fil rouge tient de ce dicton grec : timeo danaos et dona ferentes ! Tabu, fonctionnaire de son état qui n’arrive même pas à payer ses déplacements, se retrouve, à la descente du bus qu’il a pris, avec un nourrisson dans les bras, abandonné par sa mère, qui n’est autre que sa bienfaitrice qui lui a payé son ticket. Quoi de plus cauchemardesque que de se retrouver dans une situation des plus délicates que dans celle que l’on vit déjà. Que faire ? L’auteur nous laisse, le genre l’impose, construire nous-même notre fin. Le Chaos, Bière fracassée, Mombaya, Article 16 tout aussi intéressants, nous plongent dans les réalités kinoises, qui dépassent l’imagination. Un univers surréaliste !
Trois ans plus tard, soit en 2014, Ali passe à la vitesse supérieure. Je dis passe à la vitesse supérieure parce qu'il a quitté de la nouvelle au roman et du français au lingala. Il publie aux mêmes éditions Ebamba, Kinshasa makambo, roman écrit entièrement en lingala. Titre qui traduit et trahit encore une fois de plus son amour pour Kinshasa. Ce roman, qui raconte la vie mode d’emploi d’un jeune Kinois, frais émoulu de l’université dans une ville pleine de réalités et de surprises, où le hasard tue la prudence, épouse la nonchalance, et engendre l’irréparable frappe par le haut degré de fictionnalisation vous donne l’impression de suivre une chronique des réalités kinoises à la télévision. N’est-il pas sous-titré : Kinshasa makambo ? Lire l’extrait pp. 34-35 qui témoigne de la puissance de la narration dans une langue poétique qui nous touche parce qu’elle parle à notre cœur. Ce roman a été traduit en français et en anglais, il a paru sous le titre Mr Fix-it et ces extraits ont paru dans l’Anthologie Africa 39 young writers, préfacée par le Nobel Wole Sonyika.
Quatre ans après, il publie un recueil de trois nouvelles en lingala Okozonga maboko pamba. Là encore, c’est la ville de Kinshasa qui est peint. Cette fois-là, Ali va, nous emmener :
- dans les coulisses du pouvoir et met en scène un Chef d’Etat qui, aux prises avec les vents de revendications populaires, se prépare à assister à l’Assemblée des Nations-Unies doit trouver un subterfuge pour ne pas organiser les élections,
- dans les églises, ces lieux où on y entre portemonnaie plein et on en sort les poches vides.
Il a aussi contribué à des recueils collectifs comme Nouvelles du Congo, avec Joëlle Sambi, Parole Mbengama et d’autres) ; Genève-Kinshasa 2020 : la correspondance, né du projet Genève-Africa porté par Max Lobé, écrivain suisse d’origine camerounaise.
Donc c’est quelqu’un qui n’est plus à présenter, un écrivain confirmé et ces œuvres ne sont pas difficiles à trouver. Richard Ali se situe, dans le champ littéraire congolais, dans la même démarche narrative que Pie Tshibanda, Zamenga Batukezanga et Pierre Mumbere Mujomba. Ce sont ces écrivains qui nous rappellent que le but poursuivi, on le disait dans une discussion à bâtons rompus dans un comité éditorial avec le Directeur d’une maison d’édition, Miezi, pour ne pas la citer, en littérature c’est d’abord raconter à l’écrit des histoires. En dautres termes, l’armature première d’un texte littéraire est le cadre fictionnel (la mimesis). Et quand c’est encore écrit dans la langue du terroir, cela produit un feu d’artifice. C’ est aussi par le fait même une prise de position.
Et pour atteindre ce but, ses genres privilégiés sont la nouvelle et le roman.
Que nous réserve #Et_les_portes_sont_des_bouches ? Aujourd ’h ui nous le dira, la lecture nous le confirmera. Nous avons dit !
Le K-Yann, Prix international Williams Sassine 2020